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Hommage à Claude Provencher, architecte

C’est avec une très grande tristesse que l’École d’architecture a appris le décès de l’architecte Claude Provencher, survenu le 6 mai 2022. Originaire de la région des Bois-Francs, après avoir hésité entre la musique et l’architecture, Claude Provencher obtient son diplôme d’architecte à l’Université de Montréal en 1975. Claude Provencher est l’un des principaux acteurs de la nouvelle architecture urbaine et des approches multidisciplinaires de l’aménagement telles qu’elles se sont développées au Québec, en particulier à l’École d’architecture de l’Université de Montréal, depuis la fin des années 1970. Il fonde la firme Provencher Roy avec son collègue Michel Roy en 1983; une aventure qui prit naissance lors de la rencontre des deux fondateurs au sein de l’agence réputée des architectes Papineau, Gérin-Lajoie et Le Blanc. Provencher_Roy est aujourd’hui l’une des plus importantes firmes d’architecture au Québec. Elle a été honorée par plus de 80 prix et mentions d'excellence au Québec, au Canada et à l'étranger. Le grand public a été en mesure d’apprécier les réalisations qu’il a menées avec ses équipes lors de deux grandes expositions :  l’exposition « L’architecture impliquée » présentée à l’École d’architecture de l’Université Laval en 2012 et l’exposition « 1 : X » présentée au Centre d’exposition de l’Université de Montréal en 2016. Un portrait élogieux de Claude Provencher et de son parcours unique lui a été consacré en juin 2021 dans un numéro spécial de la revue ARQ, Architecture & Design Québec.

Les réalisations de Claude Provencher qui ont marqué notre paysage construit de Montréal et du Québec sont nombreuses, et plusieurs d’entre elles ont connu un grand rayonnement au Canada et à l’étranger. Sans aucun doute, Le Centre de commerce mondial de Montréal (1992) fut une opportunité formidable pour la jeune firme d’architecte menée par Claude Provencher. Ce projet réalisé avec la firme Arcop comme partenaire est à la fois la réhabilitation d’un ensemble urbain historique dans le Vieux-Montréal et la réparation du lien entre la ville ancienne et ses extensions nouvelles. Conçu comme un gratte-ciel couché, traversé par un atrium sur la trace des fortifications, Le Centre de commerce mondial reste une référence vivante pour l’invention de nouvelles stratégies de conservation du patrimoine architectural et urbain. Ce projet fut à l’origine de plusieurs projets importants dans ce secteur de la ville pour mener enfin au projet du Quartier international de Montréal (1998-2004), avec Michel Dallaire et Daoust Lestage comme partenaires. L’excellence de la qualité de ces aménagements publics sera reconnue dans le monde entier et soulignée par plus d’une vingtaine de prix internationaux.

Les deux décennies suivantes sont riches en réalisations remarquables. Notons, sur le Campus de l’Université de Montréal, la réalisation du Pavillon Paul-G.-Desmarais avec la firme NFOE (1996) et la réalisation du Pavillon J.-Armand-Bombardier avec les firmes Desnoyers Mercure et Associés et Menkès Shooner Dagenais LeTourneux (2004). Mais, plus près de notre temps, Le Pavillon d’art québécois et canadien Claire et Marc Bourgie du Musée des beaux-arts de Montréal (2011) est une réalisation qu’il faut distinguer pour plusieurs raisons. Tout d’abord, il s’agissait d’un quatrième pavillon qui s’ajoutait à cette cité dans la cité qu’est devenu le Musée des beaux-arts de Montréal depuis l’édification du premier musée sur la rue Sherbrooke conçu par les frères Edward et William S. Maxwell et complété en 1912. Ensuite, la réhabilitation de l’église Erskine and American United de 1912 en salle de concert est une réponse remarquable à la sauvegarde des églises, sujet majeur dans nos débats publics sur l’héritage architectural du Québec.

À quelques pas de là, le projet de Transformation et agrandissement de l’hôtel Ritz-Carlton (2012) posait lui aussi un défi architectural et urbain. Cet hôtel est le dernier des grands hôtels montréalais qui ait gardé sa vocation depuis sa construction. Inspirée par l’Italie, sa façade majestueuse n’a pas vraiment vieilli depuis 1912. En façade la nouvelle aile transparente se pose délicatement sur le corps bâti de l’ancienne Banque de commerce du Canada qui prolongeait le socle des étages inférieurs de l’hôtel. Ce projet d’agrandissement répondait positivement aussi aux démolitions et transformations insensées qui ont marqué l’histoire de l’architecture du Mille carré doré et plus généralement celle de la rue Sherbrooke.

Paradoxalement, Le Pavillon d’accueil de l’Assemblée nationale du Québec (2019) est un projet que l’on ne voit pas, qui ne s’impose pas et qui, cependant, change radicalement notre rapport public à la plus grande institution du Québec. L’enjeu était de préserver l’intégrité de l’édifice de l’Assemblée nationale du Québec, un immeuble caractéristique de style Second Empire conçu par Eugène-Étienne Taché et inauguré en 1884. Non seulement l’édifice s’impose comme mémoire du pays, mais tous les ornements, décors et bas-reliefs constituent un dispositif narratif et didactique de la vie politique du Québec. Au XXIe siècle, il fallait aussi assurer l’entrée vers l’intérieur de l’édifice d’un plus grand nombre de citoyens en toute sécurité. Ce « non-bâtiment » est en réalité spectaculaire.

Nous ne pouvons clore ce parcours de Claude Provencher sans évoquer ce projet éblouissant qu’est Le Pont Samuel-de Champlain (2019), conçu avec les ingénieurs de ARUP et les architectes danois Dissing + Weitling. La relation avec notre grand fleuve et les berges qu’il relie est une réussite impressionnante. Conjuguer identité territoriale et prouesse technique fut le défi des architectes. Cette promenade de 3400 mètres au-dessus du Saint-Laurent est devenue l’un des trajets paysagers les plus impressionnants en Amérique du Nord.

Claude Provencher a toujours préféré servir l’excellence du travail accompli que la recherche de la lumière sur sa personne. Bien que nous soyons unanimes à reconnaître le grand mérite de sa contribution personnelle à l’avancée de l’architecture québécoise, il était toujours le premier à modérer nos ardeurs et à mettre en évidence l’effort de ses collaborateurs et l’ouvrage accompli avec rigueur. Pour Claude Provencher, la bonne architecture relève du devoir de l’architecte. Claude Provencher fut attentif à toutes les causes, bien au-delà de l’architecture. Il n’a cessé de déployer son énergie et sa générosité pour la cause publique de l’architecture, que ce soit pour soutenir le Centre Canadien d’Architecture, le Centre de design de l’UQAM, la Maison de l’architecture du Québec, les écoles d’architecture du Québec ou encore le Festival international du film sur l’art (FIFA), il fut l’un de nos grands leaders de la médiation de l’architecture. L’École d’architecture et la Faculté de l’aménagement de l’Université de Montréal sont très reconnaissantes du soutien indéfectible de Claude Provencher à ses activités et pour les étudiants au cours des vingt dernières années.

Toutes les réalisations conçues et guidées par Claude Provencher ont été pensées pour rendre la ville plus accueillante, plus inclusive et plus durable. On a souvent commenté et applaudi l’obsession créative de Claude Provencher pour offrir des beaux espaces publics intérieurs dans ses projets : atrium, passage, cour intérieure, espace holistique. Ce goût pour les espaces du mouvement, des rencontres, des rituels improvisés et du ressenti plutôt que du strictement visible est la plupart du temps ce quelque chose en plus que la commande néglige souvent et que défendait Claude Provencher pour faire le bonheur des usagers. Ces objectifs continueront, nous en sommes convaincus, à caractériser l’architecture de Provencher_Roy qui compte aujourd’hui un grand nombre de diplômés de notre école.

La direction, le corps professoral et l’équipe administrative de l’École d’architecture adressent leurs plus sincères condoléances à la famille de Claude Provencher, à ses amis proches et à tous ses collègues et collaborateurs.

 

Georges Adamczyk
Professeur titulaire
École d’architecture de l’Université de Montréal
10 mai 2022

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Photo : courtoisie de ARQ Architecture et Design Québec (numéro 195, page 53)