Soutenance de thèse d'Aurélien Catros
De la stemmatique en architecture : une approche archéologique de processus de conception à partir des modèles du projet
Cette thèse explore les processus de conception des architectes contemporains reposant largement sur les projections entre représentations analogiques et numériques. Un inventaire historique des théories de la conception montre que c’est la « boite noire », autre nom de l’hermétisme de la cognition des concepteurs, qui constitue l’obstacle épistémologique à toute observation et compréhension scientifique des processus créatifs.
Pour contourner ce problème, cette recherche théorise une approche archéologique de la conception architecturale, décrivant les processus créatifs à partir des seules traces qu’ils aient laissés : les modèles du projet. Inspirée de l’approche génétique et de la méthode stemmatique, décrivant toutes deux les transformations entre manuscrits au fil des reproductions de textes, elle pose les bases de la stemmatique architecturale, une nouvelle méthode de reconstruction généalogique adaptée aux spécificités des représentations spatiales. Les trois premiers chapitres de la thèse présentent les fondements théoriques puis pratiques de la méthode tandis que les trois derniers la mettent à l’épreuve.
À la fois représentation, opération, et relation transitive, le concept de projection décrit les transferts du projet entre modèles affranchi des accès indirects à la cognition des concepteurs (interviews, ethnographies, études de protocoles). En pratique, c’est l’analyse stemmatique des éditions textuelles et picturales de Descriptio Urbis Romae, un court traité albertien, qui nous permet de formaliser le cadre théorique d’une archéologie des projections entre représentations spatiales. En découle la formulation de principes permettant la construction de stemmas de projet, entre héritage de la stemmatique traditionnelle et raisonnements endémiques aux projections des architectes.
Afin de mettre la stemmatique architecturale à l’épreuve de la variété des pratiques qui constituent le cadre disciplinaire contemporain, cette recherche analyse les archives professionnelles de trois projets issus de contextes géographiques, culturels et disciplinaires différents. L'étude de la conception du projet de bibliothèque de Drummondville (Canada) de Chevalier Morales Architectes permet de tester la méthode à partir d’archives exhaustives. Celle du projet de bibliothèque Ito (Japon) de MARU° Architecture la confronte à une situation archivistique moins favorable. Enfin, l'analyse des modélisations de l'Aqualagon (France) produits par les architectes-ingénieurs du bureau d'études Construction & Environnement questionne la viabilité de la méthode à la lisière du champ disciplinaire.
Chacune de ces trois études de cas met en évidence une série de figures de projection, autant de motifs récurrents observés des stemmas, les réseaux de modèles construits à partir des archives étudiées.
À l'heure du second tournant numérique, ces figures constituent un nouvel outil théorique pour appréhender la conception à partir des modélisations.
Directeurs de thèse :
Jean-Pierre Chupin, École d’architecture, Université de Montréal
Bechara Helal, École d’architecture, Université de Montréal
Jury :
Mario Carpo, examinateur externe, Bartlett School of Architecture – University College London
Denis Bilodeau, examinateur interne, École d’architecture, Université de Montréal
Isabel Amaral, présidente du jury, École d’architecture, Université de Montréal
Date : lundi 13 janvier 2025 9 h 30
Lieu : Salle 1150, Pavillon de l'aménagement
Emplacement : Salle 1150, Pavillon de l'aménagement