Les premiers projets de recherche et création réalisés au sein de la Chaire de paysage et environnement de l’Université de Montréal sur les infrastructures de services et leur impact sur le paysage urbain ont dévoilé  à quel point le progrès technologique affecte une ville et le cadre de vie des citadins. On observe que la plupart des grands centres urbains, notamment Montréal, sont victimes d’un encombrement graduel des voies et des espaces publics. Les infrastructures de services et leur équipement (poteaux électriques, lampadaires, signalisation routière, parcmètres, etc.), ainsi que le mobilier urbain (panneaux publicitaires, colonnes Morris, bancs, fontaines à eau, boîtes aux lettres, Abribus, supports à vélo, bacs à fleurs, poubelles, etc.) font partie de l’aménagement d’une ville. Par ailleurs, comme la multitude de câbles et d’appareillage dans de nombreux quartiers en témoigne, l’accroissement du réseau aérien est particulièrement concomitant à l’essor des technologies numériques. On observe par exemple la présence de boîtiers de toutes tailles suspendus à hauteur d’homme sur les poteaux utilitaires, les feux de circulation et autres supports, initialement dédiés à d’autres fins, permettant de gérer les réseaux (électrique / communication / circulation routière) à distance. Bien qu’une attention particulière soit accordée afin de conserver autant que possible la fonctionnalité des lieux, les critères techniques et économiques dominent lors de la conception et l’intégration de ces éléments. Par conséquent, la multiplication des infrastructures engendre une saturation physique et visuelle contribuant graduellement à une dégradation du paysage urbain et du cadre de vie. Outre ces tendances, Montréal connaît le besoin d’évoluer vers une ville durable et se prépare à accueillir de nouveaux services favorisant la marche, le transport en commun et les modes de déplacement alternatifs comme le vélo-partage, le transport en commun et le transport électrifié. Cependant, ces nouveaux services nécessitent aussi des infrastructures propres telles que les bornes de recharge. En considérant leur déploiement croissant d’ici quelques années, il devient donc impératif d’anticiper les besoins et d’imaginer des solutions qui tiennent compte de la problématique globale sans détériorer la qualité du cadre de vie.

À l’égard des ces tendances, le programme de recherche-création en cours, dirigé par la professeure-chercheure Tatjana Leblanc, vise à identifier les enjeux et les nouveaux besoins pour repenser l’usage des voies et espaces publics et à proposer des solutions novatrices issues d’une approche axée sur le contexte d’usage dans un esprit transdisciplinaire. Les projets menés sans un regard transdisciplinaire encouragent plutôt l’éclectisme urbain et le sectarisme disciplinaire, souvent sans répondre aux besoins des villes à long terme, comme certaines initiatives en témoignent.

Pour s’affranchir des erreurs du passé, il est donc impératif de dresser un portrait des enjeux émergents et d’identifier les besoins réels (volet recherche) afin d’établir un cadre pour les projets de design qui en écoulent par la suite (volet création).  Les projets réalisés/ en cours/envisagés cherchent à proposer des concepts novateurs capables de répondre aux besoins d’une ville moderne, de s’intégrer dans leur milieu contextuel, et d’améliorer l’expérience d’usage des lieux et services.

Ainsi, la recherche mènera aussi une réflexion sur le rôle du design dans les projets d’aménagement urbain et plus précisément les espaces humanisés et adaptés aux humains, propices aux activités et échanges sociaux.

En impliquant dans ces projets des acteurs du milieu, experts, chercheurs, et étudiants issus de différentes disciplines, ce programme de recherche-création aidera à transcender les frontières disciplinaires, à enrichir les pratiques des disciplines impliquées, et à alimenter la réflexion sur les processus et les pratiques collaboratives de design.

Hydro-Québec a amorcé un programme d’automatisation de son réseau de distribution qui consiste à automatiser certains interrupteurs et disjoncteurs sur une partie du réseau permettant d’être télécommandé à distance. Ce programme vise à améliorer le service électrique afin de réduire les interruptions d’électricité. Pour y arriver, Hydro-Québec doit installer des boîtiers, dans lesquels sont insérés des systèmes d’automatisation, sur la partie inférieure de certains poteaux de distribution. Dans le contexte urbain, l’installation de ces boîtiers sur le réseau a révélé des lacunes quant au design du boîtier tout en faisant apparaître des préoccupations paysagères de la part des citoyens et des élus articulées en termes de dégradation du cadre de vie et de la qualité de vie.

Dans ce contexte, une étude exploratoire a été effectuée par la Chaire en paysage et environnement de l’Université de Montréal portant sur les boîtiers d’automatisation et leur redesign. Sur la base d’un boîtier développé par le manufacturier S&C, l’équipe de recherche a proposé différentes stratégies visant à mieux répondre à la problématique d’intégration paysagère dans les milieux urbains. Ces stratégies, en plus de modifier l’apparence et la volumétrie du boîtier, ont insisté sur la bonification de l’usage du boîtier en proposant différentes fonctions secondaires. En outre, l’équipe de recherche a également fortement insisté sur la nécessité de produire des études plus poussées sur les problématiques paysagères engendrées par ce nouveau dispositif afin d’y révéler, d’y orienter et d’y favoriser des stratégies de design pertinentes et appropriées tout en contribuant à générer des connaissances sur ces enjeux.