Soutenance de thèse de Francis Joël Tchenkeu
Gouvernance et ville durable en Afrique subsaharienne – L’exemple de Yaoundé au Cameroun
Résumé :
Les villes sont au cœur de l’avenir de la planète. Leur évolution influencera l’issue des ambitions de durabilité. À l’approche de l’échéance des Objectifs de développement durable (ODD), le monde s’en éloigne dangereusement. En Afrique subsaharienne, les défis sont particulièrement marqués. Les perspectives de durabilité peinent à se concrétiser dans les pratiques urbaines et institutionnelles. Les villes connaissent une croissance rapide, souvent accompagnée d’un étalement non maîtrisé et d’un accès limité aux services essentiels. Près de 60 % de la population urbaine y vit dans des conditions précaires, exposée à la pauvreté et aux risques climatiques. La gouvernance est pourtant présentée comme un levier stratégique de la durabilité urbaine. Mais de quel type de gouvernance s’agit-il ?
En prenant pour exemple Yaoundé, cette thèse explore les conditions dans lesquelles la gouvernance pourrait contribuer à la construction de villes africaines durables. Le cadre théorique mobilise deux approches rarement articulées ensemble : la théorie de la gouvernance efficace dans des espaces à étaticité limitée et la théorie néo-institutionnelle. L’analyse s’organise autour de quatre dimensions liant la gouvernance aux objectifs des villes durables (ODD 11) : institutions, légitimité, confiance sociale et inclusion. La démarche méthodologique s’inscrit dans une approche mixte, combinant une analyse documentaire, vingt entretiens semi-dirigés avec des personnalités-ressources, une observation participante au sein des municipalités de Yaoundé, ainsi qu’un sondage représentatif mené auprès de 492 habitants. Cette triangulation permet de croiser les discours institutionnels, les pratiques de terrain et les perceptions citoyennes, afin de mieux saisir les dynamiques de gouvernance à l’œuvre.
Les résultats révèlent une gouvernance traversée par de fortes tensions structurelles. L’héritage centralisateur, la faible autonomie locale, l’opacité des mécanismes décisionnels, la faiblesse de l’État de droit, la défiance citoyenne et les inégalités d’accès aux services urbains compromettent les perspectives de durabilité. En tant qu’entrepreneurs institutionnels dominants, le Président de la République et son parti façonnent un environnement qui intègre les principes de décentralisation tout en limitant leur portée effective, dans une logique de préservation de l’ordre politique établi. Le score de la perception de la gouvernance atteint seulement 42,35 %, avec des résultats particulièrement faibles pour l’inclusion (31,50 %) et les institutions (36,59 %). Malgré ce constat, une volonté d’engagement citoyen persiste, portée notamment par la demande de transparence, l’accessibilité du cadre juridique et de participation.
Quelle issue envisager face à cette impasse, dans un système marqué par des blocages institutionnels persistants et un profond décalage avec les aspirations citoyennes ? Cette thèse propose une perspective alternative, enracinée dans les pratiques locales et attentive aux dynamiques sociales. Elle plaide pour un mode de gouvernance capable de renforcer les institutions, d’assurer la légitimité, de restaurer la confiance et de promouvoir l’inclusion. En combinant une contribution théorique et une enquête empirique, elle enrichit la compréhension des mécanismes de gouvernance dans les contextes urbains fragiles. Le modèle d’analyse proposé se veut transposable à d’autres métropoles du Sud confrontées à des défis similaires. Il interroge enfin la portée réelle des agendas internationaux, face à la complexité et à l’hybridité des contextes institutionnels nationaux.
Mots-clés : gouvernance, ville durable, théorie de la gouvernance efficace, théorie néo-institutionnelle, Afrique subsaharienne, Yaoundé, institutions, légitimité, confiance sociale, inclusion.
Jury :
Georgia Cardosi, Présidente du jury - Professeure adjointe - Faculté de l'aménagement - Architecture
Michel Max Raynaud, Directeur de recherche - Vice-doyen de la Faculté de l'aménagement - Professeur agrégé - Faculté de l'aménagement - Urbanisme et Architecture de paysage
Bechara Helal, Représentant de la doyenne – Vice-doyen de la Faculté de l'aménagement –Professeur agrégé - Faculté de l'aménagement - Architecture
Stephan Kowal, Membre du jury - Professeur adjoint - Faculté de l'aménagement - Architecture
Jérôme Chenal, Examinateur externe - Maitre d'enseignement et de recherche de Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne, Suisse
Programme : 300511 Doctorat interdisciplinaire en aménagement
Date : Le 15 septembre à 9h
Location: Salle 1150 - Faculté de l'aménagement, UdeM